Chronologie des événements
L’arrivée des Allemands
Peu avant midi, le 20 juin 1940, quatre hommes en uniforme allemand
sur des motos avec side-car arrivent de la route de Douarnenez et se dirigent
vers la mairie d’Audierne. Ils sont rapidement rejoint par un grand nombre de
véhicules de toutes sortes –chars, transports de troupes, camions remorquant
des canons …-
Le drapeau tricolore qui flotte au fronton de la mairie est amené
et remplacé par le swatiska allemand.
L’occupation d’Audierne et du Cap-Sizun vient de commencer.
Le mur de l’Atlantique
Les Allemands craignant un débarquement allié sur les côtes du Cap-Sizun
et notamment sur la grande plage d’Audierne décident de fortifier le littoral.
Ainsi, dès 1942, l’organisation Todt édifie, de part et d’autre
de l’embouchure du Goyen, deux solides places fortes. L’une à Beg ar grougn sur
la commune de Plouhinec et l’autre encore plus imposante sur le plateau de
Lezongar en Esquibien. Le stützpunkt de Lezongar, fort d’une quinzaine de
casemates, voit 300 soldats de la Wehrmacht s’y installer.
La Résistance
Dès l’hiver 1940, les premiers réseaux de résistance se forment.
En 1944, ces différentes formations se placent sous le même commandement pour
atteindre le millier de combattants.
Ces équipes très mobiles et qui connaissent parfaitement le
terrain vont multiplier les actes de sabotages. Nombreuses sont les lignes
électriques ou téléphoniques à être coupées, les tickets de rationnement volés,
les positions et mouvements des troupes d’occupation relevés et une fois
transmises à Londres, celles-ci constituent de précieux renseignements.
Malheureusement, beaucoup de ces patriotes paieront de leur vie
leur engagement et leur désir de vivre libre.
Le siège de Lezongar
En ce début du mois d’août 1944, la guerre commence à prendre une
très mauvaise tournure pour l’armée allemande. Le commandement de Lezongar
souhaite rallier Brest, avec le gros de ses forces, et ne laisser qu’un
contingent pour tenir la place d’Audierne. Le bruit court que les allemands
sont sur le départ.
Le 4 août, les Allemands font exploser les charges qu’ils avaient
la veille enterrées à intervalles réguliers dans le quai. Celles-ci
n’endommageront que superficiellement les quais du port. Ceci constitue un
signe certain de leur prochain départ. Mais il n’en sera rien puisque les
soldats des différents nids de défense des environs vont se regrouper pour
tenir au mieux un des point d’appui du mur de l’Atlantique et assurer, ainsi,
la sécurité de la route maritime entre Lorient et Brest.
De son côté, la Résistance
prend place autour de la ville et surtout sur des terres proches du
réduit fortifié répondant ainsi à l’ordre d’insurrection venu de Londres.
Le 5 août, il ne reste plus de soldats allemands en ville, ils se
sont tous retranchés à Lezongar. La population fête l’événement. Des drapeaux
apparaissent aux fenêtres des habitations et
le tricolore reprend sa place au mât de la mairie. Un sentiment de
liberté retrouvée se communique vite à tous.
Le lendemain matin, à 6h30, la population est réveillée par les
canons de la forteresse qui visent la ville. Les Allemands sortent alors en
nombre de leur camp retranché pour reprendre Audierne. Ce n’est qu’après 5
heures de combats de rues qu’ils renoncent
et sont renvoyés dans leur antre
par les tirs des résistants. Un cessez le feu est alors conclu mais rapidement
remis en cause par l’arrivée de soldats russes blancs. Un grand nombre
d’exactions sont alors commises. Le commandant de Lezongar leur donne l’ordre
de quitter la ville et ils reprennent donc la route de Douarnenez.
Le 8 août, les Allemands de la station de détection radar de type
« Freya » et « Würzburg Riese » de la Pointe
du Raz et notamment ceux qui occupent l’abri radar pour « Mammut »
situé sur la hauteur de Lescoff quittent leur base pour rejoindre les
troupes de Lezongar. Mais avant de quitter les lieux, ils détruisent, en
faisant sauter ou incendiant, les différentes places qu’ils occupaient. L’hôtel
du Raz de Sein, annexe de l’hôtel « Le bour-Keradennec »
d’Audierne est ainsi détruit. Le sémaphore incendié.
Le même hôtel au début du siècle…
Dans la nuit du 11 au 12 août, trois navires allemands sont
repérés par les forces alliées dans la baie d’Audierne. Le premier, bien que
touché par des destroyers anglo-canadiens, réussit à s’échapper. Le second
s’échoue en feu en face de l’usine de galets de Tréguennec et le dernier, après
avoir débarqué une grande partie de son équipage sur le rivage non loi de
Plozévet, reprend la mer et regagne Brest. Lors de ces combats, des obus
tombent sur des maisons et des villages du Cap-Sizun. La population, craignant
pour sa sécurité, est contrainte à l ’exode. Bon nombre de familles se
réfugient alors, loin de la côte, dans des endroits plus sûrs.
Le 14 août, un commando venant de Brest débarque sur la plage de
Lesven et rejoint rapidement la garnison de Lezongar.
Le surlendemain, ce même commando accompagné de soldats du point
d’appui tente une sortie pour trouver de la nourriture qui manque terriblement
mais surtout pour récupérer les rescapés de combats navals. Arrivés sur place,
ils ne peuvent que constater que tous les hommes composant l’équipage de ces
navires ont été faits prisonniers par les résistants locaux.
Dans la nuit du 22 au 23 août, de nouveaux combats font rage dans
la baie d’Audierne. Sept navires allemands sont détruits, environ 250 hommes
d’équipage sont recueillis dans le bastion et une cinquantaine de corps sont
inhumés au pied de celui-ci.
Le 25 août, les Allemands quittent les casemates de la place
forte de Beg ar Grougn en Plouhinec et
viennent grossir les rangs de Lezongar.
Le 26 août, malgré les nombreux pillages et réquisitions, la
garnison est trop importante pour pouvoir se sustenter et la nourriture
commence à faire défaut. La décision de réduire l’effectif de moitié est alors
prise. Une nouvelle sortie est donc prévue pour permettre à près de 300 hommes
de partir pour Crozon en s’embarquant depuis la plage encaissée de Pors Lesven
en Beuzec-Cap-Sizun. Les résistants toujours en alerte, n’ont pas manqué
d’observer ces mouvements et sont déjà présents sur place. La nouvelle se
répand vite et d'autres compagnies de résistants affluent des communes voisines
pour prêter main-forte à leurs camarades. Les combats opposent 250 Allemands à,
au plus fort du combat, 400 résistants. Cette bataille, lourde de conséquences
pour la libération, s’étale sur 18 heures et voit plusieurs morts des deux
côtés mais également environ 230
prisonniers qui seront menés sous bonne escorte jusqu’à Pont-Croix. Un groupe
de résistants qui rentre vers Douarnenez est pris,par erreur, pour cible par
l’aviation américaine : six patriotes décèderont sous les tirs des
mitrailleuses.
Le 27 août, les résistants, le moral au plus haut suite à la
victoire de Lesven décident le blocus total du stützpunkt. Les compagnies des
communes voisines déjà libérées,sont également présentes. Les armes diverses et
munitions récupérées lors de ces combats permettent
d’ « équiper » une grande partie des effectifs. Un détachement américain
arrive à Pont-Croix pour que lui soit remis les prisonniers allemands. Ils
seront embarqués dans des GMC de l’armée américaine à destination de Plouay
dans le Morbihan. Une première demande de reddition, écrite, est adressée par
les Américains au commandant de Lezongar. Cette demande sera refusée tout comme
celles déjà émises par la Résistance. Les Américains n’insistent pas mais
mettent tout de même en garde les Allemands sur l’avenir inéluctable de leur
place forte. Les forces alliées concentrent leurs effectifs sur des poches plus
stratégiques comme celle de Brest.
Les jours suivants, les 300 Allemands, toujours en poste dans
leur bastion, en manque de nourriture
procèdent à des sorties éclair pour trouver à manger divers aliments. Ainsi,le
31 août, un groupe d’une cinquantaine d’hommes pille des fermes avoisinantes.
Ils vont ramener des pommes de terre ainsi que deux vaches, leur permettant,
ainsi, de s’assurer quelques repas. Ces sorties ne créent pas d’affrontements
avec la Résistance qui a reçu l’ordre de ne tirer qu’en cas de danger
seulement.
Les ordres, donnés par le commandement de la Résistance, changent
car il faut maintenant absolument maintenir les Allemands dans leur forteresse.
Elle est à présent assiégée par un grand nombre de compagnies de Résistants du
Cap-Sizun mais également de villes et communes plus éloignées. La permission de
tirer est donnée. Toute tentative de sortie est immédiatement repoussée par les
tirs des 500 à 600 Résistants.
Les premiers quinze jours de ce mois de septembre vont voir
affluer de plus en plus de résistants. La pression est de plus en plus
importante. Le siège du stützpunkt de Lezongar s’intensifie.
Le 17 septembre en fin de matinée, un navire anglais, croisant en
baie d’Audierne et ayant pour mission d’effectuer des prises de vues des
défenses côtières, ouvre le feu sur la défense de Lezongar. Rapidement,
celle-ci riposte avec précision en touchant les superstructures de la
canonnière britannique contraignant l’assaillant à se mettre à l’abri derrière
la pointe de Lervilly.
Le 18 septembre, après 35 jours de siège pour délivrer Brest du
joug allemand, le commandant des forces américaines reçoit la totale reddition
du commandement de la garnison brestoise. L’imposante poche de la presqu’île de
Crozon se rend également.
Seule demeure une dernière place forte : le Stützpunkt de
Lezongar.
Le lendemain, la nouvelle, en ces temps de guerre, n’a pas
traînée puisque tout Audierne sait que
la bataille de Brest est terminée et que les puissants chars américains,
l’aviation et les troupes de la « Task Force A » font route vers la
pointe du Cap-Sizun. C’est en fin d’après-midi que les premiers véhicules
frappés de l’étoile commencent à arriver à Audierne.
Rapidement, le contact
entre les représentants de la Résistance et l’Etat Major américain est établi.
Dans la soirée, ils adressent une demande de reddition au commandant de
Lezongar. Ils espèrent que les Allemands se rendront sans coup férir. Aucune
réponse. Toute la nuit, des éclaireurs américains accompagnés de résistants
patrouillent le long des routes et des champs pour y trouver des soldats allemands
mais ceux-ci ont tous pris la fuite ou bien se trouvent à l’intérieur de la place
forte. Les Américains et la Résistance ont tout de même convenu d’une stratégie
d’attaque pour le lendemain.
Le 20 septembre, vers 07h45, des coups de feu tirés par les
résistants éclatent, mettant à mal la stratégie élaborée par le commandant
américain qui avait, dans son plan initial, prévu de parler au commandant allemand
à 08h00 pour lui demander sa reddition. Toute la stratégie de négociation est
donc à revoir. La Résistance n’a que peu de provisions de munitions aussi, vers
08h30 – 08H45, le feu cesse.
A 09H05, le commandant allemand expédie un message codé à l’Etat
Major de la Kriegsmarine pour lui signifier la présence de soldats américains
depuis le 19 mais aussi et surtout qu’il faut s’attendre à de prochaines et
fortes attaques. Une deuxième demande de reddition est envoyée aux Allemands.
Toujours sans aucune réponse . Peu de temps après, l’artillerie américaine
ouvre à son tour le feu sur les blockhaus en concentrant ses tirs sur le sommet
du bastion.
A 10h00, le commandant allemand joint ses supérieurs à Lorient
pour leur faire un rapport mais aussi pour leur demander la permission de se
rendre. Autorisation refusée. Les Allemands ripostent par quelques tirs.
A 11h45, les Américains déclenchent un tir continu de
l’artillerie qui encercle le bastion déversant, ainsi, obus sur obus sur le
camp. A ces tirs succèdent les appels à se rendre diffusés par les puissants
haut-parleurs de la division américaine de guerre psychologique.
A 13h00, quatre bombardiers américains survolent la place forte
sans toutefois lâcher leurs bombes. Le bruit incessant de leurs moteurs ne fait
qu’accentuer, un peu plus, la pression sur les soldats allemands.
A 13h30, un drapeau blanc est hissé depuis les casemates et les
tirs des positions immédiates cessent. Les canons du bourg de Plouhinec
continuant à tirer forcent les Allemands à amener leur pavillon de fortune.
A 13h50, Les chars américains s’avancent d’avantage et permettent
ainsi de détruire les barrages qui protègent la forteresse. Les nombreuses
mines qui se trouvent sur les chemins d’accès sont également neutralisées.
A 14h55, un dernier message, cette fois-ci non codé, émane du
commandant allemand pour son Etat Major basé à Lorient dans lequel il indique
de nombreux tirs d’artillerie depuis le matin provoquant la perte de toutes ses
armes lourdes mais aussi la présence de blindés qui ne cessent d’attaquer.
A 15h15, un autre drapeau blanc apparaît et une trentaine de
soldats se pressent aux portes du bastion pour venir se rendre. Les Américains
sont maintenant convaincus que l’issue est imminente et décident donc
d’investir les lieux. Venant de tous les côtés, les soldats américains prennent
d’assaut les casemates et en font sortir les Allemands. Ceux-ci sont désarmés
puis regroupés. Le commandement américain n’a pas autorisé les résistants à
pénétrer à l’intérieur des fortifications car il craint les débordements.
Malgré cette interdiction, quelques compagnies se mêlent aux Américains lors de
l’assaut final.
A 15h30, tous les soldats du bastion de Lezongar sont fait
prisonnier. Après la fouille, une longue colonne constituée de plus de 300
prisonniers, mains levées ou sur la tête, se forme depuis Les portes du bastion
et débute sa marche jusqu’à la place située devant l’hôtel - restaurant Bosser
(maintenant Goyen). Ils sont alors embarquée dans les GMC de l’armée
américaine.
Les véhicules américains dans lesquels sont embarqués les
prisonniers passent par le centre ville. Sur les quais, beaucoup d’audiernais
sont déjà massés pour regarder passer l’occupant qui les a fait tant souffrir.
Et c’est sous les hués, les sifflets, les insultes et même sous divers
projectiles que les Allemands quittent définitivement Audierne. En moins d’une
heure, les Américains ont disparu avec leurs prisonniers.
Ainsi, le 20 septembre 1944, le dernier bastion du Finistère
tombe et la reddition du commandement allemand permet au habitants du Cap-Sizun
de retrouver leur liberté. Dans toutes les rues d’Audierne c’est la fête, les
chants et rires se mêlent aux larmes de joie.
Malheureusement, la guerre a fait un grand nombre de victimes
comme peuvent en témoigner les monuments aux morts des communes du
Cap-Sizun.(Cf chapitre « Les monuments du Cap-Sizun »).